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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/141

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est sorti de l’essence du Père. Voyons seulement comment il se représente la personne de Jésus. Il concède à Celse que le Christ était laid (δυσειδής) ; 11 n’admet pas, pour autant, qu’il fût de taille médiocre ou d’une physionomie sans noblesse (ἀγεννής[1]). Mais au point de vue moral, quelle triomphante supériorité ! Jésus a réuni en sa personne, à un degré suréminent, les glorieux privilèges dont les grands hommes ne possèdent d’ordinaire que tel ou tel. Il a eu la sagesse, le don des miracles, une grandeur souveraine, et n’a jamais employé aucun des moyens nuisibles ou violents dont usent les ambitieux de toute catégorie[2]. Il n’avait bénéficié ni d’une naissance illustre, ni d’une culture raffinée : et pourtant il a remué le monde plus que n’a pu le faire un Thémistocle, un Pythagore, un Platon, plus qu’aucun roi et qu’aucun capitaine[3]. Et il a souffert une mort ignominieuse, sans se plaindre, sans dire un mot qui démentît la noblesse de son caractère[4] :

Son silence au milieu des coups et des outrages décèle une fermeté d’âme et une maîtrise de soi supérieure à toutes les belles paroles des Anaxarque, des Épictète, etc. La plainte même qu’on lui reproche : « Mon Père, que ce calice s’éloigne de moi, s’il est possible ; cependant qu’il n’en soit pas comme je veux, mais comme vous voulez », n’est pas d’un homme qui se résigne à l’inévitable, mais qui accepte ce qui lui arrive et se soumet avec respect aux épreuves que la Providence lui envoie[5].

On aurait tort d’attendre d’Origène une piété expansive, passionnée, amoureuse, qui se perde dans la contemplation navrée des souffrances du Christ, de ses humiliations, de

  1. VI, 75.
  2. I, 307.
  3. I, 20.
  4. I, 30 ; II, 34.
  5. VII, 55.