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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/157

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heurtaient trop vivement. Au contraire, Platon, avec son idéalisme irréductible, son mépris du sensible, le ravit ; il prend à l’écouter le même plaisir que Celse lui-même ; et, par scrupule, il essaie quelquefois de racheter cette dilection en supposant gauchement des analogies (bien artificielles) entre le langage de Platon et les données bibliques[1].

Origène se rencontre encore avec Celse sur beaucoup d’autres points. Ils ont quantité de vues similaires. Pourtant Origène se tient sur le qui-vive. Malgré sa modération naturelle, il n’éprouve nul souci d’accommodement ou d’entente avec un adversaire aussi implacable. Mais l’esprit de leur temps les domine l’un et l’autre et façonne leur pensée. Ils ont beau appartenir à deux générations différentes : certains problèmes et certaines solutions s’imposent à leurs esprits, modelés par les mêmes disciplines, riches de la même érudition[2], travaillés des mêmes curiosités[3].

Ils considèrent tous deux, par exemple, le problème du mal, de sa nature, de son origine, comme l’un des plus difficiles qui s’offrent à la pensée réfléchie. Ils cherchent à exonérer Dieu de l’imputation d’être directement l’auteur du mal[4]. Ils ne veulent pas qu’on exagère la somme des maux dont l’humanité pâtit, tel « mal » apparent pouvant

  1. Par exemple, VI, 9.
  2. Les citations fournies par Celse et Origène ne comportent pas moins de trente-deux pages de références dans l’édition Koetschau.
  3. Comme l’a fort bien observé Mme Miura-Stange (op. cit., p. 14-16), les soixante-dix années qui séparent les deux ouvrages ont eu pour effet, non pas tant de changer les préoccupations des esprits cultivés, que d’enrichir la théologie chrétienne et d’affermir la prépondérance de la « grande Église » sur les sectes. Aussi Origène s’étonne-t-il de l’importance que Celse attribue à celles-ci et du caractère un peu élémentaire de certaines de ses objections, dans l’ordre dogmatique (ainsi, II, 47 ; 71).
  4. IV, 65 ; VI, 55.