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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/171

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il avait besoin, et que de cette carence systématique ils auraient à se repentir quelque jour.

Celse a beau manier de préférence la dérision et le sarcasme, une anxiété se trahit sous ses affectations de dédain. Il est trop bon observateur des choses de son temps pour se méprendre sur l’importance d’un mouvement religieux qui va s’amplifiant sans cesse, et qui préoccupe déjà quiconque considère l’Empire et sa culture traditionnelle comme les bases de toute civilisation. Il a peur des chrétiens, et ne se sent pas la moindre envie d’être équitable à leur égard : c’est par intimidation qu’il procède. Mais le fait qu’il institue une discussion détaillée de leurs croyances, pour autant qu’il les connaît ; le fait qu’il risque un appel à ce qui reste chez eux de loyalisme, cela même révèle qu’il devine dans le christianisme une force déjà redoutable, que l’Empire aurait intérêt à s’annexer. En ce sens, son livre marque une date ; et il restera aussi une « source », la plus féconde de toutes, pour ceux qui s’essaieront après lui à des réfutations anti-chrétiennes de grande envergure.

II

Cette inquiétude d’un conservateur romain tel que Celse, on la comprend mieux encore quand on lit des déclarations comme celle de saint Justin dans son Dialogue avec Tryphon[1] (vers 160) :

Il n’y a absolument pas une seule race humaine, barbare ou grecque, de quelque nom qu’on l’appelle, ni de ceux qu’on nomme les

  1. § 117, 5, trad. Archambault, II, 205.