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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/228

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platonicienne à Alexandrie[1]. Dans ses dix Stromates (perdus), il cherchait un point d’appui pour le dogme chrétien chez Platon, Aristote, Numenius et Cornutus[2]. Ce Numenius d’Apamée, si goûté des néo-platoniciens du iiie siècle[3] quoiqu’il se rattachât plutôt au néo-pythagorisme, témoignait du respect aux Juifs et à leur législateur — il appelait Platon un « Moïse atticisant » (Μωσῆς ἀττικίζων[4]) — il admettait le sens figuré de certaines prophéties hébraïques et s’était intéressé à l’histoire de Jésus, qu’il transposait sur le plan allégorique[5]. Amelius, défenseur de Plotin contre ceux qui l’accusaient d’avoir plagié Numenius, définissait le Logos-Dieu, son incarnation, sa divinité dans des termes voisins du Prologue de saint Jean, et il rendait hommage à l’Apôtre, encore qu’il le désignât par ce terme quelque peu dédaigneux, ὁ βάρβαρος[6]. Au témoignage de saint Augustin — qui tenait le fait de Simplicianus, l’évêque de Milan — un platonicien aurait souhaité que ce Prologue du IVe Évangile fût gravé dans les églises en lettres d’or, à l’endroit le plus accessible aux regards[7].

L’attitude du chef de la secte, Plotin, est plus délicate à définir.

Plotin, à dire vrai, n’avait engagé aucune controverse

  1. Eusèbe de Césarée, dans son Hist. eccl., VI, 19, 6-7, a embrouillé la question en confondant le néo-platonicien Ammonius Sakkas, lequel n’avait rien écrit, avec un autre Ammonius, écrivain chrétien, auteur d’un ouvrage où il montrait l’accord de Moïse et de Jésus. Voy. Bardenhewer, II² (1914), p. 107, et Th. Zahn, dans Zeitsch. f. Kirchengeschichte, 1920, p. 1-22, 311-336.
  2. Saint Jérôme, Ép., 70, 4 : « … Omnia nostrae religionis dogmata de Platone et Aristotele, Numenio Cornutoque confirmans. »
  3. Porphyre, Vie de Plotin, § 14.
  4. F. Thedinga, De Numenio philosopho platonico, Bonn, 1875, fr. XIII.
  5. Ibid., fr. XXIV ; cf. Origène, Contra Celsum, I, 15 ; IV, 51.
  6. Eusèbe, Prép. évang., XI, 18, 26 ; XI, 19 (Patrol. gr., 21, 900).
  7. Cité de Dieu, X, 29 (p. 450, l. 33, Dombart).