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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/232

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pas écarté de son humilité si salutaire ! » (… nec ab eius saluberrima humilitate… resiluisses). Le mot resiluisses est d’une vivacité difficile à rendre : c’est proprement un bond en arrière. L’expression, toutefois, n’implique pas nécessairement l’abandon d’une croyance d’abord partagée : elle peut signifier aussi une antipathie irréductible à l’égard de certaines formes de la mentalité chrétienne. — D’autre part, l’historien Socrate (qui écrit vers le milieu du ve siècle) affirme que Porphyre « abandonna le christianisme » (τὸν χριστιανισμὸν ἀπέλειτε[1]). Il impute, il est vrai, cette désertion à une cause bien puérile : Porphyre aurait été « battu » par quelques chrétiens à Césarée de Palestine, et il aurait éprouvé de cet indigne traitement une telle colère que, dans sa mauvaise humeur (ἐκ μελαγχολίας), il aurait renoncé à la foi et songé dès lors à écrire un livre de polémique. L’anecdote paraît fort suspecte[2] ; cependant Socrate a dû la tirer, quitte à l’enniaiser à sa façon, d’Eusèbe de Césarée, qui avait réfuté Porphyre et était renseigné sur le passé de la communauté chrétienne de Césarée.

Ce qui est sûr, c’est que, catéchumène ou non, baptisé ou non, Porphyre s’était intéressé de bonne heure aux choses du christianisme. Il avait rencontré Origène dans sa première jeunesse, c’est lui-même qui nous l’apprend[3]. Il s’était certainement initié aux discussions ardentes de l’époque, et avec son intelligence déliée, sa curiosité tou-

  1. Hist. eccl., III, 23, 37 (Patrol. gr., 64, 444).
  2. Elle est reproduite, avec des enjolivures, dans une Theosophia attribuée à Aristocritos (fin ve siècle), qui a dû la tirer, lui aussi, d’Eusèbe : voy. Buresch, Klaros, 1889, p. 124.
  3. Ap. Eusèbe, Hist. eccl., VI, 19, 5. Le texte est cité plus loin, p. 264. Porphyre s’est d’ailleurs trompé en affirmant qu’Origène était né païen.