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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/231

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Plotin a pu faire illusion plus d’une fois aux chrétiens par sa puissante aspiration vers Dieu, par son vœu souvent exprimé que l’âme se purifiât de toute souillure, qu’elle renonçât aux convoitises terrestres, à tout ce qui pouvait retarder son élan et alourdir son essor vers ce Dieu ineffable. Au fond, sa pensée était toute païenne[1]. Rien que son affirmation de l’éternité et de l’incorruptibilité du monde excluait le dogme chrétien de la création et l’eschatologie chrétienne. Et que d’autres oppositions, à y regarder de près !

Un moment devait venir où les malentendus complaisants prendraient fin et où les accords de surface seraient rompus.

IV

Quels avaient été les rapports de Porphyre avec le christianisme, et quels sentiments avait-il témoignés à son égard avant d’entreprendre son grand ouvrage de combat ?

C’est une question de savoir jusqu’où, pendant son enfance et sa jeunesse, Porphyre s’était approché du christianisme ; et, dans l’état de nos connaissances, cette question paraît à peu près insoluble. Saint Augustin, qui n’avait pas eu en mains le Κατὰ χριστιανῶν, mais lisait plusieurs autres de ses ouvrages, ne le traite nulle part comme un « apostat ». Il écrit seulement dans la Cité de Dieu, X, 28 : « Ah ! si tu avais eu un véritable, un fidèle amour de la sagesse, tu aurais connu Jésus-Christ, vertu et sagesse de Dieu, et tout gonflé d’une science vaine et ampoulée, tu ne te serais

  1. « Le mode de pensée de Plotin est païen dans son noyau le plus intime. » (K. Vogt, Neuplatonismus und Christentum, Berlin, 1836, p. 135).