Aller au contenu

Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/240

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il s’agissait d’arrêter à tout prix la défection des esprits cultivés et de les fixer dans l’hellénisme, interprété et revivifié. Plotin et Porphyre purent croire qu’une attaque savamment conduite sur le terrain intellectuel parachèverait les résultats obtenus par les rigueurs de la politique[1]. — Mais il n’était plus possible, une centaine d’années après Celse, de se contenter de la méthode qui lui avait suffi vers 170. Un travail scientifique considérable s’était opéré depuis la fin du second siècle au sein de la théologie chrétienne, avec des hommes comme Tertullien, Hippolyte de Rome, Novatien, Jules l’Africain, Origène. La Bible avait été étudiée avec passion. Elle était pour quantité d’âmes la nourriture totale de l’esprit et du cœur, le ferment des plus ardentes inspirations mystiques. L’interprétation de ce livre fondamental accaparait les meilleures intelligences de l’époque. Nul polémiste soucieux d’atteindre son objectif ne pouvait se dispenser de l’étudier de près et de s’informer des méthodes d’exégèse alors usitées dans les milieux chrétiens.

Si c’est Plotin qui songea à Porphyre pour cette tâche, il faut avouer qu’il eut la main heureuse.

Une des supériorités par où Porphyre rachetait partiellement les chimères et les absurdités de sa manie théurgique, c’est qu’il avait reçu à Athènes de son maître Longin une certaine formation critique. Nous ne sommes plus en

    ces cultes se précipita dans la seconde moitié du iiie siècle : Der Ausgang…, p. 89. Théodoret de Cyr (Graec. aff. curatio, XII ; Patrol. gr., LXXXIII, 1150) cite une plainte de Porphyre sur le délaissement où sont tenus les dieux : « Maintenant, écrivait Porphyre, on s’étonne que la maladie se soit emparée depuis tant d’années de la cité, alors que ni Esculape ni aucun autre dieu n’y a plus accès. Depuis que Jésus est honoré, personne n’a ressenti un bienfait public des dieux. »

  1. Saint Augustin interprétait à peu près de la sorte la pensée de Porphyre : Cité de Dieu, X, 32 (Dombart, éd. Teubner, I, 456, l. 13 et suiv.).