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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/260

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Comment, reprend Porphyre[1], la figure de ce monde pourrait-elle passer ? Quel est celui qui la ferait « passer », et à quelle fin ? Si c’était le Démiurge, il s’exposerait au reproche de troubler, d’altérer un ensemble paisiblement établi. Même si c’était pour l’améliorer qu’il en changeât la figure, il resterait encore en posture d’accusé pour n’avoir pas trouvé au moment de la création une forme adéquate et appropriée à l’univers et l’avoir laissé imparfait, frustré d’un aménagement meilleur. Et le moyen d’être sûr que c’est en quelque chose de beau que se transformerait l’essence de l’univers, lors de sa tardive fin ? Quel avantage procurerait une modification dans l’ordre des phénomènes ? Si vraiment la condition du monde visible est lugubre et digne d’inspirer de la tristesse, c’est un concert (de protestations) qui doit s’élever contre le Démiurge, oui, un concert de justes griefs, pour avoir disposé les éléments de l’univers d’une façon si fàcheuse, au mépris du caractère rationnel de la nature, pour ne s’en être aperçu qu’après coup et avoir décidé de tout changer.

Dans la première épître aux Thessaloniciens[2], saint Paul avait montré le Seigneur descendant du ciel, lors de son avènement, les morts ressuscitant et les vivants emportés avec eux sur les nuées au-devant du Christ :

Formidable mensonge ! s’écrie Porphyre. On mettrait cela en chansons devant les bêtes sans raison qu’en réponse on les ferait beugler et piailler avec un vacarme assourdissant, à l’idée d’hommes de chair s’envolant dans les airs comme des oiseaux, ou portés sur une nuée. C’est là le comble de la hâblerie, que des êtres vivants alourdis par le poids du corps empruntent la nature des oiseaux ailés et traversent l’atmosphère, comme une mer, en se servant comme véhicule d’une nuée. Cela serait-il possible, qu’il y aurait là un fait monstrueux, étranger à tout ordre régulier. La nature créatrice a dès l’origine assigné à chaque être une sphère appropriée, elle leur a attribué leur habitacle — la mer pour ceux qui vivent dans l’eau, la terre ferme pour ceux qui vivent sur un sol sec, l’air pour les oiseaux, l’éther pour les corps célestes. Que l’un d’eux s’éloigne de son habitacle propre et passe à un mode de vie, à un habitacle étranger, c’est l’anéantissement… Le Logos divin — qui crée du divin — n’a jamais changé

  1. Fragm. no 34.
  2. I, iv, 14 et suiv.