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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/27

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style par Sénèque, auteur latin, qui va jusqu’à proposer à l’Apôtre de l’aider à se corriger[1].

Il est donc vraisemblable que cet inconnu appartenait, malgré son respect pour Sénèque, à un milieu médiocrement cultivé ; et que, comme le dit Harnack[2], « enfermé dans un horizon exclusivement latin, il n’a jamais songé que son christianisme et sa Bible étaient d’origine grecque ».

Voilà qui incline à penser que le recueil a dû être formé au cours du ive siècle ; car, plus tôt, une telle confusion eût été plus étrange encore.

Le but du faussaire apparaît clairement. Ce qu’il voudrait, c’est non pas tant recommander aux chrétiens la lecture de Sénèque, que combattre indirectement les répugnances des lettrés païens à l’égard de la forme insuffisamment littéraire des premiers écrits chrétiens. Il souligne l’admiration de Sénèque pour le fond même des Épîtres de Paul, encore que le style en paraisse quelquefois choquant. C’était par là même induire les délicats à percer l’enveloppe qui leur déplaisait, et à goûter le noyau substantiel qui y était inclus. De très bonne heure, les tendances de la philosophie de Sénèque — son souci profond de la culture morale, son hostilité contre les faux biens qui dégradent insensiblement les âmes — l’avaient mis à part des autres penseurs païens. Tertullien lui-même, si dur pour la philosophie laïque, avait remarqué ces affinités entre Sénèque et le christianisme ; et, d’un mot bref, il les nota : « Seneca saepe noster[3]. »

Le faussaire n’avait donc pas mal choisi son personnage. Il

  1. Ép. XIII.
  2. Gesch. der altchr. Liter., II, 458.
  3. De Anima, § 20.