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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/270

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prince de ce monde » qui doit être « jeté dehors ». « Quel est ce prince ? » demande Porphyre. Est-ce l’autocrator (l’Empereur) ou quelque être incorporel ? Et où sera-t-il « jeté » ? Comment pourrait-il être « jeté » dans un monde où il se trouve déjà, et dont il est proclamé « le prince » ? Et le moyen de supposer l’existence de deux mondes différents ? De quelque façon qu’on aborde le problème posé par l’affirmation initiale, il se décèle insoluble.

Mais ce qui provoque le plus de stupeur chez Porphyre, c’est le récit de la Passion.

La résignation du Christ, son humilité, les angoisses de son agonie, puis son silence obstiné sous les pires outrages, tout cela le déconcerte ou plutôt l’irrite. Il offre la plus véhémente contre-partie aux méditations émues de Pascal. « … Il a été humble, patient, saint, saint à Dieu, terrible aux démons, sans aucun péché. Oh ! qu’il est venu en grande pompe et en une prodigieuse magnificence, aux yeux du cœur, qui voient la sagesse[1] ! » Cette « magnificence » toute spirituelle, Porphyre ne la sent à aucun degré. Les paroles du Christ, à Gethsémani, par exemple, le : « Veillez et priez, afin que la tentation ne vienne pas sur vous[2] », le souhait que la souffrance « passe loin de lui », lui paraissent « pleines d’obscurité et de sottise », « indignes d’un Fils de Dieu, ou simplement d’un homme sage qui méprise la mort[3] ».

Pourquoi, conduit soit devant le grand-prêtre, soit devant le gouverneur, le Christ n’a-t-il articulé aucune parole digne d’un sage, d’un

  1. Pensées, no 793 ; éd. Brunschwicg.
  2. Matth., XXVI, 41 ; Marc, XIV, 38 ; Luc, XXII, 46. Le texte de Porphyre « … ἵνα μὴ παρέλθῃ ὑμᾶς (l’unique ms. porte ἡμᾶς) ὁ πειρασμός » (au lieu de ἵνα μὴ εἰσέλθητε εῖς πειρασμόν) ne se retrouve nulle part ailleurs.
  3. Fragm. no 62.