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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/305

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mais encore, grâce à son crédit, il empêchait ses voisins, chassés par lui de leurs maisons et de leurs champs, de réclamer ce qui leur appartenait. Ses mœurs condamnaient ses principes ; ses principes condamnaient ses mœurs. Il était ainsi à l’égard de soi-même un censeur sévère et le plus rigoureux des accusateurs.

Or dans le temps même où le peuple des justes subissait d’effroyables sévices, ce personnage vomit trois livres contre la religion et contre le nom chrétien.

Voici, d’après Lactance, quel en était l’esprit :

Il déclarait dès le début que le devoir d’un philosophe était de tendre la main aux égarés et de les ramener dans le bon chemin, c’est-à-dire au culte des dieux, dont la majestueuse volonté gouverne l’univers. Il ne fallait pas permettre, ajoutait-il, de laisser leur inexpérience pâtir de certaines perfidies, ni que des gens sans scrupule exploitent leur simplicité et en vivent. Il avait donc entrepris une tâche vraiment digne d’un philosophe, celle de présenter la lumière de la sagesse à ceux qui ne savent point voir, pour les aider à revenir au bon sens en même temps qu’au culte des dieux, et à renoncer à leur obstination entêtée : ainsi éviteraient-ils les tourments, et d’atroces déchirements de leur chair, meurtrie sans nul profit.

Pour qu’on vît bien le dessein qui l’avait conduit à élaborer cet ouvrage, il se répandait en compliments à l’égard des princes « dont, déclarait-il, la piété et la prévoyance avaient éclaté surtout dans la défense du culte des dieux ; et qui avaient pris enfin, dans les affaires humaines, les mesures voulues, en vue de réprimer une superstition impie, digne de vieilles femmes. Ainsi les hommes, sans exception, vaqueraient aux cultes légaux et sentiraient les effets de la bienveillance divine. »

Mais dès qu’il voulut ébranler les bases de la religion contre laquelle il pérorait, il apparut inepte, sot, ridicule. Lui qui se donnait pour si soucieux de l’intérêt d’autrui, non seulement il ignorait la doctrine à laquelle il s’en prenait, mais il ne savait même pas ce qu’il disait… Un blâme que tout le monde lui adressait, c’était d’avoir entrepris ce travail juste au moment où une abominable cruauté déchaînait ses fureurs. Oh ! ce philosophe adulateur, esclave des contingences ! À dire vrai, le mépris qu’il encourut fut à la mesure de sa sottise : il n’obtint pas le crédit qu’il espérait, et au lieu de la gloire à laquelle il prétendait il n’emporta que critiques et reproches.