On voit, ou plutôt l’on devine, à travers ces suggestions déférentes, le sentiment intime de Pline le Jeune. Il sévit parce que la loi l’y oblige. Ses cruautés mêmes sont celles d’un haut fonctionnaire qui n’admet pas qu’on lui résiste, ni qu’on se joue de lui. Mais il n’y mêle aucune animosité personnelle. Il répugne aux exécutions en masse. Toute sa lettre tend à insinuer à Trajan des conseils de clémence, en lui montrant combien il serait aisé de désabuser les indécis, et quelles difficultés préparerait une répression rigoureuse, étant donné le nombre de coupables qu’il faudrait frapper.
C’est qu’à tout prendre son enquête ne lui a révélé rien de vraiment suspect. Sans doute les tortionnaires n’avaient-ils pu arracher aux deux ministrae aucune révélation compromettante. Il envisage toute l’affaire sous l’aspect juridique, sans faire abstraction de l’humanitas qui lui est
- ↑ J’accepte la correction de A. Körte (Hermès, 1928, p. 482-484) : passimque venire victimarum < carnem >…
- ↑ Il est probable que Pline avait reçu les doléances des prêtres des temples, des bouchers, de tout le petit monde qui gravitait autour des cérémonies cultuelles, et en tirait profit. Sans doute n’avaient-ils pas craint de lui en dépeindre en noir la désaffection dont pâtissaient leurs intérêts. Cf. Badut, dans Rev. d’Hist. et de Litt. rel., 1910, p. 300.