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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/348

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père, si, s’opposant à sa vocation, celui-ci se couchait sur le seuil de la porte[1], les familles se jugeaient atteintes dans leurs plus justes prérogatives. Même parmi les milieux chrétiens, la propagande ascétique soulevait de l’émoi : que pouvaient penser, à ce prix, les fervents des traditions purement romaines ? Stupeur, amertume, indignation, voilà de quels âcres sentiments leur âme était travaillée. Et tous répétaient avec Symmaque : « Instituta maiorum, patriæ iura et fata defendimus[2] ! »

V

À partir de la seconde moitié du ive siècle, la piété païenne, surtout dans les hautes classes, s’exalte, devient plus ardente, plus mystique. Elle réagit contre les lâches désertions dont le spectacle affligeant s’offre à elle[3]. Elle ne se satisfait plus d’un vague syncrétisme, de déférentes allusions au Summus Deus : il lui faut des rites, des symboles, des liturgies savantes et jusqu’à l’imprégnation fétide des tauroboles[4].

  1. Ép. xiv, 2-3.
  2. Relatio, III, 2.
  3. « Abandonner les autels, remarque Symmaque (Ép. I, 51), c’est aujourd’hui pour les Romains une manière de faire leur cour. » Nunc aris deesse Romanos genus est ambiendi.
  4. Prudence a donné une description saisissante du taurobole dans son Péristephanon, X, 1011 et s. On creuse une fosse où le myste (que Prudence appelle summus sacerdos) descend ; il a le front ceint de bandelettes et d’une couronne d’or, et il est revêtu d’une toge de soie. La fosse est couverte de planches percées de trous sur lesquelles un taureau est immolé. L’initié reçoit le sang : « Il offre sa tête à la souillure de ce flot qui salit son vêtement et tout son corps. Il tend sa figure, ses joues, ses oreilles, ses lèvres, ses narines, ses yeux, sa langue même, jusqu’à ce qu’il soit imbibé tout entier de ce sang. » Une fois la victime morte, on enlève la claire-voie : « Le pontifex sort de là, horrible à voir ; il montre avec orgueil sa tête humide, sa barbe alourdie, ses bandelettes dégouttantes, ses vêtements mouillés à tordre. Tous le saluent, et de tout près l’adorent. »