Aller au contenu

Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/364

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’on ne saurait imaginer plus complète. » C’est ainsi que le juge Maurice Croiset[1]. Il n’est pourtant pas dénué de toute valeur documentaire. Eunape, malgré son peu de talent, fait revivre sous nos yeux un groupe de professeurs et de beaux-esprits, tout occupés de questions chétives, de petites vanités, et profondément complaisants, pour la plupart, aux pratiques de la théurgie et de la magie. Certains parmi eux font figure de charlatans : l’admiration d’Eunape à leur égard n’en est nullement ébranlée, tant lui sont chers ceux qui « honorent les dieux selon l’antique coutume[2] ». Il croit lui-même, d’une foi inentamée, aux démons, aux oracles, aux prédictions des illuminés, aux fantasmagories de la théurgie[3] ; il croit aux miracles de Jamblique, aux prestiges de Maxime, et il tient Porphyre pour « un résumé de toutes les vertus ».

L’impression qui se dégage de ces Vies, c’est que le paganisme gardait encore de puissants étais dans la seconde moitié du ive siècle, surtout dans l’Orient grec (Eunape ne s’intéresse pas à l’Occident). Les chaires de rhétorique et de philosophie étaient presque toutes occupées, à Athènes, par des païens zélés. Et beaucoup de hauts fonctionnaires défendaient aussi l’hellénisme, par exemple, Anatolus de Béryte, préfet d’Illyrie ; Justus, préfet d’Asie ; Hilarius, gouverneur de Lydie. Ils restauraient les temples, rétablissaient les sacrifices publics, sans être inquiétés.

  1. Hist. de la Litt. Grecque, V, 886.
  2. θεοὺς θεραπεύοντες κατὰ τὸν ἀρχαῖον νόμον (Fragm., éd. Dindorf, p. 252, l. 22 ; cf. Vie des Soph., Boissonade, p. 503).
  3. Voir le récit, traduit plus loin, p. 380. — C’est Eunape qui aurait voulu que Philostrate eût intitulé sa Vie d’Apollonius de Tyane « Voyage d’un dieu parmi les hommes », car « Apollonius n’était pas seulement un philosophe, mais un demi-dieu, — moitié dieu, moitié homme » (Vie des Soph., Boissonade, p. 454).