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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/365

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Leur ressentiment contre le christianisme était d’ailleurs très vif, et sur ce point Eunape est en plein accord avec eux. Toutes les fois qu’il touche aux choses chrétiennes, son ton devient ironique, amer, injurieux même.

Voici les spécimens les plus significatifs de cette animosité.

Dans la biographie du philosophe Ædesius, Eunape rappelle incidemment — à propos du don de divination qu’il impute à un certain Antoninus, fils du philosophe Eustathius et fidèle dévot des « ineffables mystères » — que, peu après la mort de celui-ci, les temples de Canope, ceux d’Alexandrie, en particulier le fameux Serapeum, furent détruits ; et que statues et offrandes votives furent dérobées par les assaillants chrétiens, lesquels se vantèrent ensuite d’avoir « vaincu les dieux » !

Ulcéré de ces récents souvenirs — c’est en 389 que l’évêque Théophile d’Alexandrie avait lancé l’offensive. — Eunape ne peut se tenir de dire à ce propos ce qu’il pense des moines, et du culte des martyrs, substitué par eux à celui des dieux[1].

Ils introduisirent ensuite dans les lieux sacrés ces gens appelés moines qui, avec une forme humaine, vivaient comme des porcs, et se livraient ouvertement à toute sortes d’excès que je n’oserais rapporter. Par contre, ils regardaient comme un acte de piété de témoigner leur mépris pour les choses divines. À cette époque, du reste, tout homme affublé d’unérobe noire et qui ne craignait pas d’affecter en public l’oubli des bienséances, avait permission d’exercer une autorité tyrannique : c’est à ce haut point de vertu que l’humanité en était arrivée !

Mais j’ai déjà parlé de ces gens-là dans mon Histoire Générale.

Ces moines furent donc installés aussi à Canope ; et là, ils enchaînèrent la race humaine à un culte d’esclaves, je dis d’esclaves mal-

  1. Éd. Boissonade, p. 472.