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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/427

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Libanius, malgré sa bienveillance et son optimisme coutumiers, ne put se tenir de supposer, bien gratuitement[1], qu’il avait dû être victime de quelque traîtrise :

« Si Julien est tombé sous la pointe du fer, écrivit-il, et si l’arme n’a pas été dirigée par la main d’un Perse[2], qu’en conclure, sinon que le meurtrier était dans nos rangs, parmi des gens qui, ou bien immolaient Julien à la haine d’autrui, ou bien le sacrifiaient à leurs propres ressentiments pour faire retomber dans le mépris le culte des dieux qu’ils abhorraient[3] ! »

Du côté chrétien, la joie fut immense. La mémoire de l’empereur défunt devint une mémoire maudite. Dans ses deux Invectives, composées vers 365, Grégoire de Nazianze, esprit délicat et raffiné pourtant, le compare à un Achab, à un Pharaon, à un Nabuchodonosor ; il consent à peine à lui reconnaître quelques mérites et va jusqu’à invectiver contre la philosophie hellénique dont Julien s’était constitué le champion[4]. La légende de Julien se chargera plus tard, tant en Occident[5] qu’en Orient[6] de racontars absurdes.

Il est à noter pourtant qu’au début du ve siècle, le poète Prudence sut parler de lui, dans son Apotheosis, d’une

  1. Voir le récit détaillé de la mort de Julien dans Ammien-Marcellin, XXV, III et s.
  2. Aucun Perse, assure-t-il, ne s’était vanté d’avoir porté le coup fatal.
  3. Or. 24, § 21 (II, p. 523 Förster).
  4. Par ex. 1re invective, LXXII (Patrol. gr., 35, 595).
  5. Voir les faits cités par A. Graf, Roma nella memoria e nelle immaginazioni del Medio Evo, Turin, t. II (1883), p. 127 et s. ; et l’ouvrage de R. Fœrster, Kaiser Julian in der Dichtung alter und neuer Zeit, 1905.
  6. Significatif est le texte syriaque publié en 1880 à Kiel, par J. G. E. Hoffmann. Julien y apparaît sous les traits d’un « maudit », d’un « fou » ; c’est une « vipère exécrable », un théurge familiarisé avec des pratiques abominables, et qui pour ses incantations magiques arrache le cœur à cinq petits enfants vivants, etc.