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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/426

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XIX

Le résultat effectif du grand effort littéraire de Julien, et de la politique par laquelle il l’avait préparé et soutenu, nous échappe pour une large part. On ne s’étonnerait pas si les apostasies avaient été fort nombreuses, car l’intérêt, qui durant les deux règnes précédents avait déterminé tant de conversions parmi les âmes avides ou médiocres, favorisait un revirement dans le sens souhaité par Julien. Alfred de Vigny, dans son Daphné[1], voit « les Nazaréens, épouvantés en secret de la promptitude avec laquelle la moitié des leurs au moins a été ramenée à l’ancien culte par la douceur du jeune prince Julien, et surtout par le désir des honneurs dont le taurobole est le seul chemin ». Il est probable que si Julien avait obtenu une si belle réussite, il n’aurait pas laissé percer çà et là la désillusion dont il a peine à retenir l’aveu[2]. C’était une lourde tâche que de communiquer à autrui une foi aussi compliquée, aussi « philosophique » que la sienne. Son zèle s’usait à ranimer l’indifférence des foules. Et puis, il eut si peu de temps pour son œuvre de restauration ! On comprend le désespoir de ses partisans — sophistes, théurges, lettrés — à la nouvelle de la mort prématurée qui mettait fin brusquement aux espoirs qu’il avait incarnés.

  1. Éd. Gregh, p. 71.
  2. Par ex. Ép. 78, fin (Bidez, p. 85) ; Ép. 84 (Bidez, p. 144) ; Ép. 79 (Bidez, p. 87, l. 14 et s.) ; Ép. 98 (Bidez, p. 180, 24) ; Misopogon, § 23, etc. Il y eut quelques conversions retentissantes à l’hellénisme, mais si l’on en croit Asterius d’Amasée, plusieurs de ces convertis revinrent ensuite à l’Église (Hom. adv. avaritiam, Patrol. gr., 40, 193 ; Hom. XIX in Ps. V, Patrol. gr., 40, 433).