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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/436

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nianus, s’attardant parmi leurs tombeaux, à Édesse, sans se douter des funestes présages que son attitude faisait lever dans les esprits sur le prochain avenir[1].

On ne saurait dire toutefois qu’Ammien ait épousé la querelle de son empereur, ni recueilli le legs de ses profondes antipathies. Le plus probable est que le christianisme ne l’a jamais beaucoup intéressé, et qu’orienté vers d’autres soucis il ne s’est guère mis en peine de le bien connaître. Remarquable est la gaucherie, le vague des expressions dont il se sert dès qu’il en parle : on dirait qu’il ignore les termes techniques, ou qu’il évite systématiquement de s’en servir. Il appelle l’évêque de Rome legis antistes, il dit conventiculum ritus christiani[2] ou ritus christiani sacrarium[3] au lieu d’ecclesia ; ritus solemnitas, festo die christiani ritus, voilà le genre de tours qu’il aime ; et là même où il se décide à user de mots comme synodus, diaconus, presbyter, il se croit obligé d’ajouter : ut appellant Christiani[4].

N’hésitons pas à le rattacher à cette catégorie de païens cultivés, si nombreux à cette époque qui, soit dédain, soit indifférence, assistaient sans y comprendre grand’chose, peut-être sans trop s’en émouvoir, à la révolution que le christianisme opérait autour d’eux. De la part d’un historien, une telle placidité ne laisse pas que d’étonner, et elle marque ses limites.


  1. XVIII, 7, 7 (la phrase est exceptionnellement amphigourique) : Ammien songe évidemment à la chute d’Amida, en Arménie, prise peu après par les Perses.
  2. XV, 5, 31.
  3. XXVI, 3, 3.
  4. XV, 7, 7 ; XIV, 9, 7 ; XXXI, 12, 8.