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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/438

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faisant figure de culte privilégié, développait chaque jour ses conquêtes[1].

Mais il était trop clairvoyant pour s’imaginer que la voie élargie où s’avançait le christianisme serait désormais tout unie et facile. Comment n’eût-il pas souffert, à mesurer la médiocre qualité d’âme de beaucoup de ceux qui venaient à la foi par mode ou par intérêt ! Le rhéteur païen Libanius, si goûté de l’empereur Julien, avait naguère caractérisé en termes mordants ces « prétendus convertis[2] ».

Ils n’ont point changé de croyance, écrivait-il, mais seulement de langage : ils n’ont pas troqué leurs idées contre d’autres idées, ils dupent leurs convertisseurs. Ils vont où va la cohue, et suivent les mêmes voies. Ils se donnent les airs de gens qui prient, mais ils n’invoquent personne ou bien ils invoquent les dieux… Ils ressemblent à ces acteurs de tragédie qui jouent les tyrans, mais restent ce qu’ils étaient avant de prendre le masque : il en est de même pour eux, ils se gardent inchangés ; ce sont les autres qui s’imaginent qu’ils ont changé. Le beau résultat, que cette contradiction entre les lèvres et le cœur ! En pareille matière, c’est la persuasion qui doit agir, non la contrainte. Se servir de celle-ci parce que l’autre a échoué, c’est ne rien faire de bon.

Augustin lui-même circonscrit nettement cette même catégorie, dans son de Catechizandis rudibus[3]. « Il se rencontre des gens, écrit-il, qui ne veulent être chrétiens que pour obtenir la faveur de personnages dont ils attendent des avantages personnels, ou pour ne pas déplaire à ceux qu’ils redoutent. Ceux-là sont des indignes. L’Église les porte pour un temps, comme l’aire garde la paille jusqu’au jour où l’on bat le grain…,

  1. In Ps. 44, 2« Et primo ipsum mundum videat commutatum, etc. ; de Cons. Evang., I, xxvii, 42 « Nunc certe creduntetc. » ; de Util. Iejunii, viii, 10 « Ergo, carissimi, illi quidem talesetc. » et surtout Ép. 232, 3.
  2. Περὶ τῶν ἱερῶν, 30, 528 (Förster, t. III, p. 101).
  3. xvii, 26.