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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/439

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mais qu’ils ne se flattent pas de rester dans l’aire avec le froment de Dieu ! »

À ce prix, il n’est pas surprenant qu’un exercice rigoureux de la vie chrétienne attirât bien des railleries, de la part de ces tièdes, à ceux qui tenaient à en observer strictement les lois. Du côté païen, l’incompréhension était naturellement plus complète encore, et plus profondes les rancunes. En dépit des transformations politiques, l’opinion païenne, « la Babylone dispersée à travers les nations du monde[1] » usait toujours contre les chrétiens de son arme familière, le mépris ; et, « frustrée des tortures et des meurtres », elle les poursuivait « de ses malédictions et de ses outrages ». « Rappelez-vous, disait Augustin à ses auditeurs dans un de ses sermons[2], rappelez-vous les humiliations passées de l’Église, les chrétiens tournés en dérision, mis à mort, exposés aux bêtes, brûlés vifs. (Aujourd’hui encore) partout où ils rencontrent un chrétien, ils l’insultent, le harcèlent, se moquent de lui, le traitent d’abruti, d’idiot (vocare hebetem, insulsum), d’être sans cœur et sans esprit. »

Certains parfois se donnaient l’air de louer le Christ, de l’admirer. Leurs éloges étaient pires que des outrages, car cette complaisance leur était suggérée par la conviction que Jésus avait été un magicien, assujetti au destin comme tout être terrestre, mais capable cependant, grâce à ses incantations, de se soustraire à sa fatalité. « Ils ne l’aiment donc point, s’écrie Augustin, puisqu’ils aiment ce que n’était pas le Christ. Et ils se trompent doublement, vu que la magie

  1. Enarr. in Ps. LIV, 12.
  2. Enarr. XXXIV, ii, 8. Saint Jérôme parle (Ép. 77, 9) de la procax et maledica lingua gentilium. Voy. aussi la Paenitentia du magicien Cyprien d’Antioche, trad. par Zann, Cyprian von Antiochen, Erl., 1882, p. 53 et 100.