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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/445

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qualifié du paganisme, ou provoquât lui-même un débat.

C’est ainsi que, dès 390, Maxime de Madaure, alors fort âgé, et qui entretenait avec Augustin des relations courtoises, lui adressa une lettre très soignée[1], d’une brièveté étudiée, où sous couleur de recommander un monothéisme supérieur à toutes les formes religieuses qui prétendent accaparer Dieu, il poussait une attaque directe contre le culte des martyrs. Étrange idée, observait-il, que de préférer des martyrs puniques — un Miggin, un Sanam, un Lucitas, un « archimartyr[2] » Namphamo — aux divinités de la Grèce et de Rome, à Junon, Minerve, Vénus, Vesta ! Des fols visitent assidûment les tombeaux de ces gens qui, en dépit de ces adorations, n’étaient que des scélérats, qui ont trouvé une fin digne de leur vie. Une dévotion si barbare n’évoque-t-elle pas le souvenir de la bataille d’Actium, où les monstrueuses divinités d’Égypte luttaient contre les dieux de Rome[3] ?

Après une pointe contre la coutume chrétienne d’adorer Dieu, non pas en plein air, mais dans des « lieux cachés », Maxime concluait ainsi : « Que les dieux conservent Augustin — ces dieux à travers lesquels, tous tant que nous sommes, nous honorons et adorons de mille manières différentes, mais dans un même accord, le Père commun des dieux et des hommes ! »

Dans une autre lettre, de date incertaine (Ép. 234), un

  1. Ép. 16.
  2. Le mot ne se rencontre nulle part ailleurs. On a eu tort de l’expliquer par « protomartyr », comme si ce Namphamo eût été le premier martyr de Numidie. Le mot signifie sans doute « le martyr le plus haut placé dans la vénération populaire » (cf. Delehaye, Les Orig. du culte des Martyrs, 2e éd., 1933, p. 377). J. Baxter a paraphrasé ce passage dans le Journal of theol. Studies, t. 26 (1925), p. 21-37.
  3. Faustus, l’adversaire manichéen d’Augustin, appelait le culte des martyrs « une idolâtrie retournée » (Contra Faustum, xx, 21).