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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/448

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Aussi, par je ne sais quelle imitation de la vérité, l’Esprit du mal a-t-il voulu que son image fût achetée par le sang ; car il savait qu’un jour un sang précieux rachèterait le sang humain.

Ces esprits mauvais imaginent ainsi pour eux-mêmes des honneurs imités (umbras quasdam honoris), pour tromper ceux qui suivent le Christ.

Augustin donne, de ces duperies, deux exemples. Le premier est tiré de la magie. Il arrive que ceux qui usent d’amulettes et d’autres artifices mêlent à leurs incantations le nom du Christ. C’est pour eux une façon d’enduire de miel les bords d’une coupe fatale, que tout chrétien repousserait, sans cette précaution. — Le second exemple est fourni à Augustin par un propos que répétait volontiers un prêtre d’Attis, et dont il a eu connaissance : « Le Dieu coiffé du bonnet phrygien est lui aussi chrétien ! (Et ipse Pilleatus christianus est.) »

« Pourquoi tout cela, mes frères, conclut Augustin, sinon parce que c’est la seule façon de séduire les chrétiens ? »

On voit la disposition d’Augustin. Pour lui ces prétendus apparentements procèdent d’une traîtrise : c’est le démon qui, en certains cas, les a combinés d’avance ; ou bien il y faut voir, de la part des païens, un procédé sournois pour rassurer les fidèles et les gagner plus facilement à l’erreur.

Cette solution ne lui appartient pas en propre. Dès le second siècle, saint Justin, soulignant maintes ressemblances entre la doctrine ou les rites chrétiens et certaines doctrines ou certains rites païens, n’hésitait pas à affirmer que les démons, informés par les prophètes, avaient aménagé perfidement ces contrefaçons troublantes[1].

  1. Justin donne comme exemples : la légende de Persée et celle d’Athénè,