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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/461

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Cette fois, l’Empire subissait un dommage immense, une mortifiante atteinte à son prestige séculaire ; et quantité d’intérêts privés se trouvaient lésés par contrecoup. On était déjà loin des illusions par où, cinq ans plus tôt, le poète chrétien Prudence se rassurait sur la menace barbare[1]. Parmi les foules qui toujours veulent des responsables — dans leur instinct de justice, trop souvent dévoyé, et qu’il est si aisé d’aiguiller vers l’absurde — commençait à sourdre une rumeur, soigneusement entretenue et répercutée par les partisans de l’ancienne religion. C’était le vieux grief que, plus de deux siècles auparavant, dénonçait déjà Tertullien.

« Si le Tibre déborde, avait-il écrit dans son Apologétique[2], ou si le Nil ne veut pas quitter son lit, si le ciel reste trop serein ou que la terre tremble, s’il survient quelque famine ou quelque peste, aussitôt monte une clameur : les chrétiens au lion ! » D’envoyer au lion les chrétiens, il n’était plus question, sans doute, en ces premières années du ve siècle. Mais la récrimination prenait une autre forme : « Quand nous faisions des sacrifices à nos dieux, répétait-on, Rome était debout, Rome était florissante. Maintenant que partout l’on sacrifie à votre Dieu et que nos sacrifices sont interdits, voilà ce que Rome endure[3] ! » « Le corps de saint Pierre est à Rome, murmuraient les gens, le corps de saint Paul est à Rome, le corps de saint Laurent gît à Rome, les corps de bien d’autres saints martyrs y sont ensevelis, cela empêche-t-il donc d’être malheureux… Où sont donc les memoriae apostolorum[4] ? » « Oh ! si l’on

  1. Contra Symmachum, ii, 640 ; 732-738.
  2. § 40.
  3. Sermo 296, 7.
  4. Sermo 296, 6.