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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/474

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digne d’eux par sa fortune aussi bien que par son mariage. Poussé par les furies, il a abandonné les hommes, le monde, et sa crédulité le fait vivre dans l’exil d’une retraite honteuse. Il s’imagine, le malheureux, que la crasse entretient les mystiques pensées ; il se fait souffrir lui-même, plus cruel pour soi que ne le seraient les dieux irrités. Cette secte là, je vous le demande, n’est-elle pas pire encore que les philtres de Circé ? Circé ne changeait que les corps : ce sont les âmes qu’on métamorphose aujourd’hui !

Ces deux passages, on en peut juger, ne manquent pas de mordant, ni même d’une âpre éloquence. Rutilius réussit bien mieux dans l’invective que dans la description pittoresque : il a dû en avoir quelque soupçon, car l’élément satirique tient dans son poème une place assez importante[1]. Ils ont généralement imposé l’image d’un de ces aristocrates païens, férus de l’ancienne culture, et qui, sous des princes dévots, s’en prenaient un peu obliquement aux manifestations les plus contestées de la piété chrétienne.

Vessereau lui-même, qui en estompe la signification et y découvre « de la tristesse et de l’aigreur[2] », mais non « une satire déguisée du christianisme », ne veut pas douter pour autant que Rutilius ait été « un païen fervent[3] ».

Contre cette conception courante, Heinrich Schenkl s’est élevé avec force dans un article du Rheinisches Museum de 1911[4].

Sa thèse est facile à résumer.

  1. I, 295-312 ; I, 345-370 ; I, 380-398 ; II, 51-60 (plus, les passages cités ci-dessus).
  2. P. 281.
  3. P. 105.
  4. P. 393-416.