Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/477

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Chez Rutilius, on ne retrouve ni ces théories ni ces doléances ; mais seulement de la colère, et surtout du mépris. Il cherche, par dessein concerté, les mots les plus blessants : lucifugis… viris (lucifuga, le terme employé pour les blattes et les chouettes), perversi… cerebri (un cerveau tourneboulé) ; si ces gens-là ne sont pas des malades, alors ce sont sans doute des cœurs travaillés de remords secrets et qui expient volontairement des fautes ignorées. Au total, ils sont devenus, comme le Bellérophon de la fable, des ennemis du genre humain.

Dans le second morceau, même état d’esprit. La retraite de ce jeune homme qui, riche, marié, a tout quitté pour la solitude, est un vivum funus. Sans doute a-t-il fallu que les furies s’en mêlent. La crasse, le goût absurde de la souffrance, voilà où désormais il se complaît ! — Une phrase irritée sert de conclusion : « Circé ne changeait que les corps : ce sont les âmes qu’on métamorphose aujourd’hui. »

Il est singulier que Schenkl, qui paraît avoir jeté un rapide coup d’œil sur quelques adversaires païens du monachisme, n’ait pas remarqué à quel point le ton de Rutilius s’apparente à celui d’Eunape de Sardes[1], du rhéteur Libanius[2], du grammairien Palladas[3], de l’historien Zosime[4]. Comment n’a-t-il pas été frappé de l’accent d’animosité et de froid dédain qui s’y trahit, tout comme chez Rutilius ?

Concluons de cet ensemble de faits que le christianisme de Rutilius reste aussi problématique après la démonstration

  1. Voir p. 366.
  2. Cf. plus haut, p. 431.
  3. Voir p. 482.
  4. Voir p. 479.