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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/491

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l’interior medulla ; mais ils faisaient preuve d’un sens fort délié des obscurités du texte, et ils y relevaient toute ambiguïté, toute contradiction, toute apparente invraisemblance, pour les soumettre aux exégètes qualifiés. Bien significatives sont, à ce point de vue, certaines lettres de saint Jérôme. Ses correspondants et correspondantes lui adressaient de longues listes d’interrogations sur les passages dont le sens leur paraissait obscur ou gênant, et Jérôme les reprenait une à une pour y répondre de son mieux[1]. Saint Augustin était, lui aussi, assailli de consultations. Parfois il subissait des enquêtes de cette importance : « Un chrétien peut-il boire de l’eau d’un puits qui a servi pour les sacrifices païens ? » « Peut-il se baigner dans des thermes où de l’encens est offert aux idoles ? » « Dieu a-t-il un corps, des os, du sang ? » « À quelle date le monde finira-t-il ? » Et il s’y prêtait avec autant de bonhomie qu’il mettait de soin attentif à discuter les énigmes qui lui tenaient le plus à cœur, sur le libre-arbitre, sur la grâce, sur la légitimité du métier des armes, etc.

Cette ardente curiosité des fidèles ne pouvait manquer de revivifier le « genre » déjà ancien des Quaestiones. Mais ce qui conférait également à ce genre un regain d’intérêt, c’était le procédé coutumier des hérétiques et des non-chrétiens, à l’égard des croyants. Ils assaillaient ceux-ci d’interrogations captieuses ; ils leur signalaient avec insistance les points difficiles de la Bible et du dogme ; ils les « tentaient » avec une insistance pleine de périls et

  1. Voir par ex. les lettres 35, 36, 120, 121. De l’aveu de Jérôme, Marcella posait des questions si intelligentes qu’à soi seules elles devenaient instructives : Ép. 59 (Patrol. lat., 22, 586). Pour l’œuvre exégétique de Jérôme, sous forme de Quaestiones, v. Bardy, dans Revue Biblique, 1932, p. 356 et s. Pour celle de saint Augustin, ibid., p. 515 et s.