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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/69

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Au cours de ses aventures, Lucius qui garde, on l’a vu, sous les apparences d’un âne toute sa sensibilité, toute son intelligence d’homme, tombe entre les mains de prêtres de la Déesse syrienne, lesquels, après diverses aventures, sont jetés en prison pour avoir volé une coupe d’or dans un temple. Il est alors vendu à un meunier, homme assez doux, mais qui est marié à une détestable femme, de laquelle Lucius reçoit les pires traitements.

Lucius dessine ainsi le portrait de la mégère :

Il ne manquait pas un vice à cette abominable femme ; son âme était comme un cloaque infect où venaient se mêler toutes les turpitudes. Méchante, cruelle, débauchée, ivrognesse, querelleuse, obstinée, aussi rapace pour les gains sordides que prodigue pour les dépenses honteuses, ennemie de toute bonne foi et de toute pudeur, elle méprisait et foulait aux pieds les dieux et à la place d’une religion vraie, elle mettait l’idée menteuse et sacrilège d’un dieu qu’elle déclarait unique ; par la duperie de pratiques vides de sens, elle trompait tout le monde, abusait son malheureux mari, tandis qu’elle se livrait au vice dès le matin et à la prostitution toute la journée[1].

En une phrase rapide, E. Renan indique qu’à son gré il est ici question d’une chrétienne[2]. Ernest Havet est encore plus affirmatif[3] : « Il est clair, écrit-il, que le conteur a prétendu peindre une chrétienne. Ce portrait est d’un ennemi, mais quand on vient de lire celui qu’a tracé Justin, l’un fait nécessairement penser à l’autre. » Havet évoque une anecdote racontée par saint Justin dans sa seconde Apologie, rédigée peu après 150[4]. Une femme « qui autrefois vivait sans retenue avec des serviteurs et des mercenaires, adonnée au vin et à toutes les iniquités » se conver-

  1. Métam. IX, 14 (éd. Helm, p. 213, l. 13 et s.).
  2. Marc-Aurèle, p. 377.
  3. Le Christianisme et ses Origines, IV, 439.
  4. § II.