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Page:Lacerte - Le bracelet de fer, 1926.djvu/13

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LE BRACELET DE FER

CHAPITRE V

EXIT, PETER FLAX


Paul passa cinq semaines chez le Docteur Shade, et durant ces cinq semaines, il sut se rendre « utile autant qu’agréable », car, deux jours après les funérailles du policier, il arriva un malade à l’hôpital. C’était un cas d’opération, et notre ami se fit infirmier, aidant au médecin, le remplaçant, la nuit, auprès du malade, et lui rendant mille services fort appréciables… et appréciés.

À peine l’opéré eut-il été hors de danger, qu’on amena deux hommes, victimes d’un accident, et encore, cette fois, Paul ne ménagea pas son aide et ses soins, ni le jour, ni la nuit.

— Ma foi ! lui dit, un jour, en riant, le docteur Shade, vous devriez rester avec nous toujours, M. Flax. Vous êtes la perle des infirmiers, et je vais beaucoup vous manquer, lorsque vous serez parti.

— Et je pars demain, répondit Paul.

— Demain ! s’exclama Mme Shade. Si tôt !

— Il y a juste cinq semaines que je jouis de votre gracieuse hospitalité, Madame, répondit Paul. Le temps a passé vite, bien vite, trop vite !

— Vous serez toujours le bienvenu, quand vous voudrez venir nous voir, assura le Docteur Shade.

— Merci, Docteur !… Je ne l’oublierai pas, et si jamais j’ai l’heureuse chance de me diriger de ce côté…

— Pourquoi pas ? Le Cap Hurd n’est pas si éloigné de notre établissement que vous ne puissiez trouver facilement le moyen de venir nous rendre visite parfois, M. Flax, dit Mme Shade.

Mais l’heure du départ avait sonné. Paul, le cœur gros, et vivement reconnaissant et touché de la bonté du médecin et de sa femme, dut les quitter, et s’acheminer vers le Cap Hurd. Il partit, un après-midi, sur le canot-courrier.

Paul le savait bien, mille dangers étaient à craindre, une fois qu’il serait parvenu à destination. Heureusement, au moment de quitter l’établissement, le Docteur Shade lui avait remis une lettre, en le priant « de la remettre aux autorités », avait-il dit, en cachetant hâtivement l’enveloppe.

— Cette lettre vous concerne, M. Flax ; veuillez en prendre bien soin et la remettre personnellement à qui de droit.

Arrivé au Cap Hurd, une difficulté (difficulté prévue d’ailleurs) se présenta : Paul n’y ayant jamais mis les pieds auparavant, ignorait, conséquemment, où se trouvait le logement de celui dont il avait pris la personnalité et le nom. Que faire ?… Impossible de demander un renseignement, n’est-ce pas ?…

La difficulté fut vite tranchée cependant ; des voitures attendaient l’arrivée du canot, et un cocher vint s’offrir à conduire M. Flax chez lui.

— Tiens ! Bonjour, M. Flax ! Ca va mieux ?

— Comment va, Flax ?

Paul saluait gravement, à droite et à gauche. Toutes ces figures inconnues !… Oui, vraiment, le danger d’être découvert le guettait, à chaque pas, au Cap Hurd !

— C’est Mme Pérhier qui va être contente de vous revoir ! dit le cocher à Paul.

— Ah ! oui, répondit le jeune homme en souriant, à tout hasard.

Mme Pérhier ?… Qui était-ce que cette dame ?… Une parente ?… Une amie intime de la famille Flax (si Peter Flax avait une famille au Cap Hurd, ou ailleurs, ce dont Paul doutait fort) Ciel ! Comment s’y prendre pour se renseigner à propos de cette Mme Pérhier ?…

— Elle se porte bien, Mme Pérhier ? demanda-t-il, tout en se disant qu’il posait là une question pas très à propos, peut-être.

— Certes, oui ! fit le cocher. Vous savez, reprit-il, Mme Pérhier aurait pu trouver à louer votre chambre bien des fois, depuis votre départ ; mais elle a refusé de le faire. Non ! La chambre vous appartenait, disait-elle ; il y avait deux ans que vous l’occupiez, et elle n’allait pas la céder à personne.

Bientôt, la voiture s’arrêta, devant une maisonnette proprette, et Paul en descendit… La chance le favorisait : Mme Pérhier était sortie, ce qui lui exemptait la scène de bienvenue et choses de ce genre, que la brave femme n’eut pas manqué de lui faire. C’est une jeune servante qui le conduisit à sa chambre.

Lorsqu’il eut soupé, Paul s’enferma dans sa chambre, où il passa toute la veillée, sans être ennuyé par la visite de qui que ce fut. Au moment de se déshabiller pour se mettre au lit, la lettre du Docteur Shade glissa de sa poche et tomba sur le plancher. L’ayant ramassé, il s’aperçut que l’enveloppe s’était décachetée. Cachetée à la hâte par le médecin, au moment où le canot allait s’é-