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LE BRACELET DE FER

était mort. Tombé, épuisé, sans doute, sur le sable brûlant des dunes, il avait la tête enfouie sous les eaux du lac. Paul put constater qu’il devait être mort depuis deux ou trois heures déjà. Aussitôt qu’il serait arrivé à l’établissement, éloigné de cinq ou six milles encore, il préviendrait les autorités de sa lugubre découverte…

Or, au moment de partir, Paul, s’étant retourné pour regarder une dernière fois son compagnon de la veille, et le voyant étendu ainsi sur le sol, portant l’habit brun qui lui avait appartenu, à lui Paul… cela lui causa une étrange impression.

— On dirait que c’est la dépouille de moi-même… se dit-il. Ce cadavre portant mon complet brun… Ah ! il me vient une idée !… Jamais Peter Flax ne trouvera pareille occasion de mourir pour tout de bon !…

S’approchant encore une fois du cadavre, Paul suspendit au gousset de l’habit brun la montre de Peter Flax, qu’il avait toujours portée, depuis le décès de ce dernier. Il plaça aussi dans une des poches du complet que portait le cadavre le calepin du policier ainsi que son porte-feuille, dans lequel il laissa un billet de banque et de la menue monnaie, ainsi que des papiers. À l’annulaire de la main droite du mort il glissa une bague surmontée d’un camée, qui avait appartenu à Peter Flax ; ensuite, sans regarder derrière lui, Paul se dirigea vers le petit établissement, où il arriva durant la soirée.

Moins de huit jours plus tard, la nouvelle se répandit que le policier Peter Flax avait été trouvé, mort, sur les sables des dunes. Son visage, il est vrai, était méconnaissable, car un corps se décompose vite, dans le désert. Mais on avait reconnu son habit brun, puis on avait trouvé sur lui sa montre, son porte-feuille, son calepin, et sa bague surmontée d’un camée, que tous connaissaient, au Cap Hurd, pour l’avoir vue souvent.

— Pauvre Flax ! dirent les uns.

— C’était un brave garçon ! dirent les autres.

— Mais il était devenu fou, pas pour rire, depuis cette prostration nerveuse qu’il avait eue ! osa ajouter quelqu’un.

Telle fut l’oraison funèbre de Peter Flax le policier.


FIN DU PROLOGUE