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Page:Lacerte - Le bracelet de fer, 1926.djvu/20

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LE BRACELET DE FER

ler… Ne lui annonce pas la grande nouvelle cependant.

Bientôt, Paul et son oncle entendirent des pas qui s’approchaient. La porte de l’étude s’ouvrit et Mme Jacquin entra.

— Vous m’avez fait demander, Monsieur ? fit-elle, en s’adressant à Delmas Fiermont.

— Oui, Mme Jacquin. Ce monsieur, fit Delmas, en désignant Paul, qui s’était, encore une fois, retiré dans l’ombre, ce monsieur vient d’arriver, et je veux savoir s’il y a une chambre de prête pour lui.

— Certainement, Monsieur, répondit Mme Jacquin. Les chambres d’amis sont toujours tenues proprement, afin de…

Mais une exclamation jaillit de sa bouche soudain ; elle venait d’apercevoir Paul, la brave femme.

— Grand Dieu ! fit-elle. C’est… C’est Monsieur Paul !

— Eh ! oui, Mme Jacquin, c’est moi, répondit Paul. Vous m’avez donc reconnu, vous aussi ?

Paul s’approcha de la ménagère et déposa un baiser sur ses joues ; Mme Jacquin n’avait-elle pas été une véritable mère pour lui, jadis ?

— Oh ! M. Paul, que vous voilà grand !… Oui, je vous ai reconnu et… M. Paul, vous êtes de retour, et c’est pour toujours, je l’espère ? Vous ne songerez plus à nous quitter, n’est-ce pas ?

— Certes non ! s’écria Paul. Et je me demande comment j’ai pu vivre sept ans éloigné de mon oncle Delmas… et de vous tous !

— Quel bonheur ! fit Mme Jacquin. Je vais aller préparer votre chambre, M. Paul… je veux dire celle que vous occupiez autrefois. Votre chambre à coucher ainsi que votre étude sont dans un ordre parfait ; il n’y a qu’à mettre de l’eau fraîche et des serviettes… Voyez-vous, M. Paul, depuis le jour que vous êtes parti que nous vous attendons.

Paul n’avait pas à se plaindre d’être reçu froidement. Son oncle paraissait si heureux, qu’il en était, semblait-il, rajeuni de dix ans, et les domestiques étaient fous de joie de le revoir.

En comparant le présent avec le passé, si peu éloigné, Paul se dit qu’il oublierait vite les épreuves qu’il avait dû subir tout récemment, et c’était là son plus grand désir.

Cependant, ce soir-là, au moment de se déshabiller pour se mettre au lit, quelque chose glissa le long de son bras et tomba sur son poignet : c’était le bracelet de fer, qu’il n’avait pu enlever encore. Ce bracelet, partie des menottes qu’il avait dû porter aux bras durant son cheminement à travers les dunes, alors qu’il était le prisonnier du policier Peter Flax, ce bracelet dis-je, comment s’en débarrasser ?… Il faudrait le limer, et ce serait un bien long travail… Paul eut, un instant, la tentation d’avoir recours à Prosper ; pourtant, il lui répugnait de se mettre, en quelque sorte, à la merci d’un domestique, si discret et fidèle fut-il… Eh ! bien, aussitôt possible, il s’achèterait une bonne lime et il chercherait l’occasion de limer le bracelet…

Paul ne se faisait aucune illusion d’ailleurs ; il savait fort bien que c’était un ornement quelque peu compromettant que ce bracelet de fer.

Chapitre IV

LE RÊVE DE DELMAS FIERMONT


Il pouvait être onze heures, le lendemain matin, quand Paul, qui se promenait sur la terrasse entourant le « château », en fumant un cigare, vit arriver un homme assez âgé, qu’il reconnut aussitôt : c’était Georges Trémaine, l’ami intime de Delmas Fiermont.

Georges Trémaine avait donc gardé ses habitudes de jadis ?… Depuis au-delà de vingt ans, tous les jours, il venait faire la partie de dames avec son vieil ami ; il arrivait à onze heures et repartait à une heure précise.

Georges Trémaine fut très étonné, en arrivant sur la terrasse du « château », d’apercevoir un jeune homme de haute taille, bronzé par le soleil, qui lui tendait la main en souriant.

— Comment vous portez-vous, M. Trémaine ?

— Hein ! fit l’interpellé. Puis, retrouvant ses bonnes manières, il répondit : Merci, je me porte bien… Mais, à qui ai-je l’honneur de parler, s’il vous plaît ?

— Il y a si longtemps que nous ne nous sommes rencontrés ! fit Paul. Sept ans, c’est…

— Sept ans, dites-vous ?… Sept ans !… C’est… c’est donc Paul ?… Mais non, ça ne peut pas être Paul Fiermont !

— C’est Paul Fiermont lui-même, M. Trémaine !

— Oh !… Quel plaisir de te revoir, mon garçon ! Ciel ! que ton oncle doit être heureux que tu sois de retour !… C’est qu’il s’est ennuyé beaucoup, beaucoup, ce pauvre Delmas !… Dis donc, Paul, je ne t’aurais jamais reconnu ; tu as tellement…

— Grandi, acheva Paul en riant.

— Eh ! bien, oui, grandi, répéta Georges Trémaine, riant à son tour. Attends donc pourtant… Tu dois avoir vingt-deux ans maintenant, hein ? Que le temps passe vite !… Tiens, voilà ton oncle qui vient à notre rencontre. Ma foi, il est rajeuni de dix ans pour le moins !

— J’ai trouvé que mon oncle n’avait pas changé, dit Paul. Vous non plus, M. Trémaine, puisque je vous ai immédiatement reconnu.

— Écoute, Paul, mon garçon, dit Georges Trémaine, parlant rapidement et bas, ton oncle a le cœur faible. Je me hâte de t’en avertir.

— Il a le cœur faible, dites-vous, M. Trémaine ? Cela me surprend, car, je l’ai trouvé…

— Crois ce que je te dis, Paul. Moi, je sais fort bien à quoi m’en tenir. Ne le contrarie pas ; ça pourrait lui être fatal… et ne le quitte plus… il s’est ennuyé de toi… plus que tu ne serais porté à le croire peut-être.

— Je ne savais pas, M. Trémaine, que…

— Chut ! Le voilà !

— Bonjour, Trémaine ! dit Delmas Fiermont.

— Bonjour, Fiermont ! répondit Georges Trémaine. Nous venons de renouveler connaissance, Paul et moi, comme tu le vois.

— Tant mieux ! Tant mieux ! fit Delmas.

— J’ai reconnu M. Trémaine immédiatement, annonça Paul. Vraiment, l’atmosphère est bonne, ici, car vous n’avez pas changé, ni l’un ni l’autre, mon oncle ; ni vous ni M. Trémaine, je veux dire.

— Puisse l’atmosphère te plaire alors, Paul ;