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Page:Lacerte - Le bracelet de fer, 1926.djvu/58

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LE BRACELET DE FER

— Pour un temps seulement, répondit Paul. J’espère que je vous retrouve en bonne santé ?

— Merci. Ma santé est bonne, excellente même.

— Me permettez-vous de vous escorter jusque chez-vous, Mlle Lhorians ? demanda le jeune homme. Il y a si, si longtemps que je n’ai eu le plaisir de causer avec vous !

— Oui, je vous le permets, répondit Nilka.

— Puis-je vous demander, Mademoiselle, si vous avez revu Mlles Delherbes et Le Mouet ? Je sais qu’elles se proposaient d’aller vous rendre visite, car elles me l’on dit.

— Elles sont venues… c’est-à-dire. Estelle est venue chez moi ; malheureusement, j’étais sortie en commission pour père, et comme elle était très pressée, elle n’a pu m’attendre.

— Vous lui rendrez sa visite, à Mlle Estelle, je le présume ? N’est-ce pas, Mlle Lhorians ?

— …Peut-être, répondit la jeune fille. Je ne sais pas pourtant… Nous sommes si pauvres que…

— Ni Mlle Estelle, ni Mlle Renée ne s’arrêteront à de telles considérations, soyez-en assurée ! s’écria Paul. Je serais si heureux de savoir que vous êtes devenues amies toutes trois, vous, Mlle Delherbes et Mlle Le Mouet !

— Vous en seriez heureux, dites-vous, M. Laventurier ?… Mais, pourquoi ?

Il ne répondit pas, mais ses yeux étaient infiniment tendres lorsqu’ils se posèrent sur Nilka. Elle rougit.

Mlle Lhorians, balbutia-t-il. Nilka… Vous avez deviné que… Mais ce n’est ni le temps ni le lieu de vous dire les sentiments que j’éprouve à votre égard, je le sais. Peut-être me permettriez-vous d’aller vous rendre visite chez-vous sous peu et…

— Je… Je ne sais pas… commença-t-elle

— Quand pourrai-je aller vous rendre visite, Mlle Lhorians ? demanda Paul. Ce soir peut-être, ou un soir, cette semaine ?

— Pour ce soir, c’est impossible, M. Laventurier, répondit Nilka. Quant à un autre soir, cette semaine… eh ! bien, j’allais vous annoncer que nous allons partir, père et moi…

— Partir ! Quitter la ville, vous voulez dire ?

— Oh ! nous n’irons pas très loin, répondit-elle en souriant. Nous partons, mardi, pour la Banlieue, où père doit réparer des horloges.

— Ah ! fit Paul.

— Connaissez-vous une propriété désignée sous le nom de « château », ou plutôt, de « château » Fiermont ?

— Oui… Je connais le « château »…

— C’est là que nous allons, père et moi. M. Fiermont, le propriétaire du « château », a offert l’hospitalité à mon père, et je l’accompagne… Je ne crois pas que M. Fiermont trouve à redire si nous y ayons deux. Qu’en pensez-vous, M. Laventurier ?

— Certes, il se considérera très heureux de vous avoir sous son toit ! s’exclama Paul.

— Sur quel ton vous dites cela ! fit Nilka en riant d’un bon cœur. Cependant, je dois vous dire que nous ne le verrons seulement pas M. Fiermont, car on dit qu’il ne séjourne pas longtemps en son « château ». Comprenez-vous cela, M. Laventurier, qu’on puisse posséder un aussi beau domaine et n’y faire que de courtes et rares apparitions ?… Car, on prétend que ce n’est pas sans raison qu’on nomme cette propriété le « château », vous savez. Quant à moi, j’ai infiniment hâte d’en voir l’intérieur ; on prétend que c’est tout simplement splendide !

— Vous êtes contente, alors, d’accompagner M. Lhorians ? demanda Paul.

— Si je suis contente !… Mlle Fiermont, la vieille tante de M. Fiermont, demeure au « château » ; c’est elle qui tient maison pour le propriétaire, pour bien dire. Elle est, m’assure-t-on, charmante et bonne, et j’ai infiniment hâte de partir… D’ailleurs, la Banlieue, ça doit être bien beau, à cette saison du renouveau.

— J’espère que vous jouirez pleinement de votre séjour au « château », Mlle Lhorians ! dit notre ami, au moment de quitter la jeune fille, à la porte de sa demeure. Lorsque vous reviendrez, peut-être me permettrez-vous de venir vous rendre visite ?

— Peut-être… murmura Nilka. Cela dépend de mon père… S’il me permet de vous recevoir…

— Merci ! Oh ! merci… Nilka ! dit Paul, en pressant la main de la jeune fille.

— Au revoir, M. Laventurier, alors ! dit-elle.

— Au revoir, Mlle Lhorians ! répondit-il. Puisse votre visite au « château » être très agréable ! Vous me le direz, n’est-ce pas, si tout s’est passé à votre goût, Mlle Nilka ?

— Oui, je vous le dirai.

Ce jour-là même, Paul partit pour la Banlieue, et il eut une longue et intéressante conversation avec Mlle Fiermont.

Chapitre X

NILKA AU « CHATEAU »


Le résultat de cette conversation, ce fut que, lorsque Nilka et son père arrivèrent au « château », ils y furent reçus princièrement, ce qui ne manqua pas de les étonner quelque peu, car ils ne s’étaient certes pas du tout attendus à une telle réception.

On avait conduit Alexandre Lhorians et sa fille à la bibliothèque, où les attendait Mlle Fiermont.

— Monsieur et Mademoiselle Lhorians ! avait annoncé Côme, le domestique.

Mlle Fiermont s’était avancée à la rencontre de ses visiteurs.

— Soyez les bienvenus, Monsieur et Mademoiselle Lhorians ! leur avait-elle dit, avec un aimable sourire.

— Merci, Mademoiselle, avait répondu. Alexandre Lhorians, en s’inclinant profondément devant la parente de Paul.

— Côme, avait repris « tante Berthe », tu vas conduire M. Lhorians à sa chambre ; moi, je me charge de conduire Mlle Lhorians à la sienne.

Et tandis que l’horloger suivait le domestique, Mlle Fiermont conduisait Nilka dans une chambre spacieuse, luxueuse, connue autrefois sous le nom de la « chambre verte ».

En pénétrant dans la pièce, la jeune fille eut une exclamation :