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LA TERRE PATERNELLE

— Mais, ici, répondit le gardien, dans la charnière ; c’est là que l’on met les pauvres pendant l’hiver ; la terre est gelée, et ça coûterait trop cher pour faire les fosses.

— Ah ! Monsieur, je vous en prie, ne le mettez pas là ; ma pauvre femme en mourrait de douleur, si elle le savait. Mon fils n’y restera pas la nuit, il va être volé par les clercs docteurs.

— Ah ! pour cela, ne craignez rien, bonhomme ; j’ai là mon fusil et un bon chien. Je les défie d’y venir.

— Tenez, Monsieur, prêtez-moi une bêche ; la terre ne vous manque pas ici : je vais creuser moi-même la fosse de mon fils, dans quelque petit coin.

— C’est impossible, bonhomme, c’est contre mes ordres.

— Oh ! je vous en prie, ne me refusez pas cette grâce, je gratterai plutôt la terre avec mes mains ; mais, pour l’amour de Dieu, ne mettez pas mon fils dans la charnière.

Cette horreur des pauvres pour le charnier n’est point exagérée. Il y a eu un temps