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Page:Lacombe - La terre paternelle, 1871.djvu/59

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LA TERRE PATERNELLE

où des gardiens infidèles se laissaient corrompre par l’appât de l’or, et faisaient du charnier un réservoir où les clercs-docteurs venaient, à prix fixe, choisir les sujets de dissection qui leur convenaient. Il s’y faisait un trafic régulier de chair humaine, et Dieu seul connaît le nombre de ceux qui sont passés de ce lieu de repos sous le scalpel du médecin. Mais on doit dire ici, à la louange du gardien actuel, qu’il s’acquitte de sa charge avec une fidélité à toute épreuve, et personne ne sait mieux que les clercs-médecins qu’il est incorruptible sur ce chapitre ; aussi envie ne leur prend d’essayer la juste portée de son fusil, ni de faire une connaissance trop intime avec la mâchoire du fidèle Sultan.

Aussi ce fut aux assurances réitérées que le gardien fit à Chauvin que le corps de son fils serait dans le charnier aussi en sûreté qu’au sein de la terre qu’il consentit, comme malgré lui, à l’y laisser déposer. Ce pauvre père, le cœur navré, plongea plusieurs fois ses regards au fond de ce trou où gisaient, rangés par ordre, un grand nombre de cercueils de toute grandeur ; et, lorsque le corps de son