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Page:Lafargue - Pamphlets socialistes, 1900.djvu/86

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corail et les perles, produisent au cœur de l’hiver les fleurs du printemps et les fruits de l’automne, bâtissent les palais, décorent les murailles, peignent les toiles, sculptent le marbre, écrivent des drames et des romans, composent des opéras, chantent, jouent et dansent pour occuper ses loisirs et contenter ses caprices. jamais Sémiramis, jamais Cléopâtre, jamais ces reines puissantes n’eurent pour les servir un troupeau aussi nombreux de travailleurs, savants en tout métier, habiles en tout art.


La courtisane est la parure de la civilisation capitaliste. Qu’elle cesse d’or­ner la société et le peu de joie qui reste encore en ce monde ennuyé et attristé, s’évanouit; les bijoux, les pierreries, les étoffes lamées et brodées deviennent inutiles comme des hochets; le luxe et les arts, ces enfants de l’amour et de la beauté, sont insipides la moitié du travail humain perd sa valeur. Mais tant que l’on achètera et que l’on vendra, tant que le Capital restera le maître des consciences et le rémunérateur des vices et des vertus, la marchandise d’amour sera la plus précieuse et les élus du Capital abreuveront leur cœur à la coupe glaciale des lèvres peintes de la courtisane.


Si la raison n’avait pas abêti l’homme, si la foi avait ouvert les portes de son entendement, il aurait compris que la courtisane, en qui vont les luxures des riches et des puissants, est un des moteurs du Dieu capital pour remuer les peuples et transformer les sociétés.


Aux noirs temps du moyen âge, alors que le Capital,