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Page:Lafargue - Pamphlets socialistes, 1900.djvu/87

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notre Seigneur, sem­blable à l’enfant qui palpite sourdement dans le sein de la femme, s’élaborait mystérieusement dans la profondeur des choses économiques, alors que pas une bouche ne prophétisait sa naissance, alors que l’âme humaine ignorante de la venue d’un Dieu, ne tressaillait pas d’allégresse, alors cependant le Capital commençait à diriger les actions des hommes. Il souffla dans l’esprit des chré­tiens d’Europe le sauvage emportement qui les précipitait sur les routes d’Asie en bandes plus serrées que des bataillons de fourmis. - En ces temps-là, les chefs des hommes étaient les grossiers seigneurs féodaux, vivant dans les cuirasses comme les homards dans leur carapace, se nourrissant de viandes lourdes et de boissons épaisses, n’estimant d’autres plaisirs que les coups de lance, ne connaissant d’autre luxe qu’une épée bien trempée. Pour mouvoir ces brutes, notre Dieu dut s’abaisser au niveau de leur intelligence plus dense que le plomb: il leur suggéra l’idée de se croiser, de courir en Palestine délivrer les pierres d’un tombeau qui jamais n’exista. Dieu voulait les amener aux pieds des courtisanes de l’Orient, les enivrer de luxe et de jouissances, im­planter dans leur cœur la passion divine, l’amour de l’or. Quand ils rentrèrent dans leurs sombres manoirs, où hululaient les hiboux, les sens encore troublés par l’or et la pourpre des fêtes, les parfums de l’Arabie et les molles caresses des courtisanes épilées, ils prirent en dégoût leurs femelles gauches et velues, filant et enfantant et ne sachant rien autre: ils rougirent de leur barbarie, et comme une jeune mère prépare le