Aller au contenu

Page:Lafenestre - Molière, 1909.djvu/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
123
passions et caractères.

Parisiens ou provinciaux, Français ou étrangers, ils sont peints en quelques mots, avec des habitudes, des défauts, des préjugés qui n’ont guère changé. Voici, dans le Sicilien, le gentilhomme français qui, présenté comme peintre à la maîtresse du gentilhomme de Messine, l’embrasse en la saluant : « Hola, Seigneur Français, cette façon de saluer n’est point d’usage en ce pays. — C’est la manière de France ! — La manière de France est bonne pour vos femmes, mais pour les nôtres, elle est un peu trop familière ». Don Pèdre, pour Adraste, est « un jaloux maudit, ce traître de Sicilien, notre brutal ». Mais quand le Sicilien s’étonne à son tour de trouver Adraste jaloux, celui-ci, pirouettant sur ses talons, lui répond avec une désinvolture versaillaise : « Les Français excellent toujours dans toutes les choses qu’ils font, et, quand nous nous mêlons d’être jaloux, nous le sommes vingt fois plus qu’un Sicilien ». Ailleurs, par instants, il semble que Molière se fasse même l’écho des jugements qu’on porte volontiers sur nous, à l’étranger, avec trop de justesse, et n’hésite point à nous faire dire nos vérités par l’Eraste des Fâcheux :

Hé, mon Dieu, nos Français, si souvent redressés,
Ne prendront-ils jamais un air de gens sensés ?…

L’étendue de son expérience, l’impartialité de sa philosophie se manifestent donc par le nombre et la diversité des types qu’il juxtapose, d’après les modèles offerts en tous lieux, dans tous les mondes où l’ont conduit les vicissitudes de son existence. Quelle que soit la catégorie dans laquelle il les choi-