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Page:Lafenestre - Molière, 1909.djvu/128

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MOLIÈRE.

par des idiotismes limousins et des locutions saintongeaises. Les gens du commun, ou ceux qui les singent, y mettent naturellement moins de façons. Le comédien vagabond, qui a vécu avec eux, se garde bien de leur forger, littérairement, un langage conventionnel. C’est en vrai et bon patois de Picardie et de Languedoc, que Lucette et Nérine viennent assaillir Pourceaugnac ahuri. Et si le subtil conducteur des mystifications parisiennes, le Napolitain Sbrigant, attend les intermèdes pour parler italien, il ne manque pas d’afficher d’abord son dédain pour ce Paris « où l’on ne peut faire un pas sans trouver des nigauds qui vous regardent et se mettent à rire », et de rappeler, avec malice, son origine, pour inspirer confiance à sa bonne dupe : « Vous regardez mon habit qui n’est pas fait comme celui des autres, mais je suis originaire de Naples, tout à votre service et j’ai voulu conserver un peu et la manière de s’habiller et la sincérité de mon pays. »

Molière, comme on l’a dit, a-t-il traversé les Alpes, fait un séjour à Naples, traversé les Pyrénées, fait un séjour à Madrid ? On en doute. Ce qui est sûr, c’est qu’à Paris, à Lyon, dans les villes du Midi, il a vu jouer des pièces italiennes et espagnoles, il n’a cessé de vivre au milieu d’Italiens et d’Espagnols ; c’est qu’il lisait et parlait les deux langues. Avait-il aussi quelque teinture d’allemand ? C’est possible. Dans l’Étourdi, Mascarille, déguisé en loueur de chambres garnies, jargonne le franco-tudesque avec un accent bien amusant, comme les deux soldats suisses qui voudront séduire M. de Pourceaugnac travesti en vieille.