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Page:Lafenestre - Molière, 1909.djvu/181

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pensée et morale.

brouillons. Bien que « le temps ne fasse rien à l’affaire » il semblerait juste au moins d’accorder au coupable le bénéfice de ces circonstances atténuantes.

La grande cause d’erreur pour tous ces écrivains célèbres, ce fut d’être plus ou moins étrangers ou indifférents, par leurs professions et leurs habitudes, à l’art théâtral. Moralistes ou philosophes, accoutumés à polir lentement, dans le silence du cabinet, en vue de lecteurs choisis, des phrases bien enchaînées, des locutions correctes, où des idées précises se doivent condenser dans une forme resserrée, ils jugent tous les écrits avec leur façon particulière de composer et de rédiger. Or, l’action scénique exige, précisément, deux qualités incompatibles avec l’éloquence soutenue et régulière, la précision dialectique ou descriptive des raisonnements philosophiques et des développements littéraires. Ce que les spectateurs demandent à l’auteur dramatique, surtout à l’auteur comique, c’est que le langage dialogué de ses personnages leur communique, rapidement et clairement, le mouvement des émotions, des sentiments, passions et pensées dont ils doivent être agités, à tel ou tel instant de l’intrigue engagée.

Suivant les caractères de ces personnages et les circonstances où ils agissent leur langage sera déjà très différent. Tantôt, sous le coup d’impressions vives, ce ne seront que saillies, exclamations, interjections, phrases hachées et coupées, laissant en l’air les régimes, et parfois les verbes. Peut-il être alors question d’y retrouver l’armature organique ? Tantôt, surtout s’ils jouent les rôles de conseillers ou justiciers, soutenants d’une thèse, exposants