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Page:Lafenestre - Molière, 1909.djvu/184

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MOLIÈRE.

produit-il pas dans l’art oratoire ? Les plus grands effets, dans les tribunaux et les parlements, y sont-ils toujours obtenus par les orateurs les plus diserts et les plus lettrés ? Si les incorrections, les répétitions, les incohérences des phrases sonores recueillies par les sténographes n’étaient pas soigneusement corrigées sur épreuves, combien de fameux discours donneraient beau jeu au pédantisme méprisant du moindre instituteur !

Brunetière observe avec justesse que les plus grands écrivains du xviiie siècle, en acceptant, comme principe du style écrit, l’imitation sincère du style parlé, c’est-à-dire du langage naturel dans la vie familière et dans la conversation, s’exposaient à scandaliser « les grammairiens ». Et, ajoute-t-il, « j’entends par ce mot, non point les philologues, mais tous ceux qui pensent, mondains, d’ailleurs, ou pédants, que l’art d’écrire et de bien écrire se réduit à des règles certaines ». Et il cite avec une abondance malicieuse, quelques-unes des métaphores les plus incohérentes, des galimatias et amphigouris les plus stupéfiants qu’on peut relever dans Corneille, Mme de Sévigné, Bossuet, Pascal ; il rappelle que Saint-Simon, et, de notre temps, Balzac et Hugo en sont pleins : « Quelle que soit la cause, tel est le fait : ni Balzac, ni Saint-Simon, ni Molière ne sont toujours corrects. Ils sont toujours vivants. Il se pourrait donc qu’entre l’irrégularité de leur style et l’intensité de vie que nous aimons dans leur œuvre, il y eut quelque relation mystérieuse Et je laisse à de plus heureux d’en trouver la formule…… »