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Page:Laffitte - Le grand malaise des sociétés modernes et son unique remède.djvu/138

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tribuables ruinés que les agents du fisc s’obstinaient à considérer comme récalcitrants ; les infortunés y périssaient de misère ; souvent ils se pendaient de désespoir ; quelquefois on commençait par les faire mourir pour servir de leçon aux autres et leur inspirer une terreur salutaire[1].

« Le monde, écrit Lehuérou, fut alors témoin d’un étrange spectacle. La terre pour la première fois se vit répudiée par son possesseur, et ce fut à qui ne posséderait rien pour n’avoir rien à payer. À chacune des pages du code, il est question de terres qui n’ont point de maître. On les offre en vain : elles restent désertes et sans culture aux mains du fisc ; personne ne veut de ces largesses intéressées. Une ruine certaine et de cruelles tortures attendent l’imprudent qui les accepterait. »

  1. Voici, décrite par Lactance, une levée d’impôts dans les Gaules, sous la douce administration romaine : « Les champs étaient mesurés jusqu’à la dernière parcelle, les vignes et les arbres étaient comptés, les animaux de toute espèce étaient inscrits ; chaque tête d’homme était marquée. Le peuple des villes et des campagnes était rassemblé ; les familles se pressaient en troupeaux près des portes ; chaque possesseur arrivait avec ses hommes libres et ses esclaves ; les tortures et le fouet retentissaient de toutes parts. Les enfants étaient pendus jusqu’à ce qu’ils déposassent contre leurs pères ; les plus fidèles serviteurs étaient contraints de témoigner contre leurs maîtres, les femmes contre leurs époux. Celui qui n’avait point d’entourage était soumis lui-même à la torture, et lorsque la douleur l’avait vaincu, il était inscrit pour des biens qu’il n’avait point. Ni l’âge, ni les maladies n’étaient une cause d’excuse. Les infirmes étaient recensés ; l’âge de chacun était estimé ; on ajoutait aux jeunes, on retranchait aux vieillards. Tout était rempli de tristesse et de deuil. »
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