Aller au contenu

Page:Laforgue - Œuvres complètes, t4, 1925.djvu/138

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
122
ŒUVRES DE JULES LAFORGUE

perdre comme l’on perd son chien, parce que personne ne veut vous les voler. »

Hélas, cher poète, que voulez-vous qu’on vous vole ? Votre tableau italien ? vos illusions ? vos vers ? l’orientalisme bazar de votre pseudonyme (Sanda est-il un diminutif mignard d’Alexandra et Mahali, une façon indolente de prononcer Magali ? — « Ô Magali, ma bien-aimée », — comme chantaient Faure et Brunet-Lafleur) ? — Oui, que vous volerait-on ?

Quoi qu’il en soit, je vous renvoie, légèrement et outrecuidamment modifiées, vos deux pièces qui, déjà bien comme forme, sont bien curieuses comme état d’âme ; pour ma part j’y vois beaucoup. Vous ferez de ces copies tout ce que vous voudrez, excepté des papillottes.

Henry ne fait pas grand’chose, dites-vous, cela m’inquiète pour moi.

Moi, je mène toujours ma vie de dilettante. Sachez, cher poète, qu’avant d’avoir des ambitions littéraires, j’ai eu des enthousiasmes de prophète, et qu’à une époque je rêvais toutes les nuits que j’allais consoler Savonarole dans sa prison. Maintenant, je suis dilettante en tout, avec parfois de petits accès de nausée universelle. Je regarde passer le Carnaval de la vie : sergents de ville, artistes,