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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t4, 1925.djvu/25

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LETTRES 1881-1882

Comme cela je mange ce que je veux ; je suis à mon aise, loin des indiscrets et je dépense peu. Néanmoins, il me reste quarante francs pour aller jusqu’au bout du mois, c’est plus qu’il ne faut. Et, pauvre et bonne sœur, ne sois jamais inquiète de mon sort au sujet de l’argent — jamais, entends-tu ! Promets-le-moi, que je te sache au moins ce souci en moins, tu en as tant ! Mais ne t’ennuie pas, va, résigne-toi un peu ; observe ces provinciaux, méprise-les et attends. Je vais travailler comme un damné pour aller te voir, avec beaucoup d’argent, en avril prochain. Sois en outre sûre que je t’enverrai au moins dix francs par mois. Je voudrais t’envoyer tout de suite les vingt francs de La Vie Moderne[1], mais j’hésite, tu habites chez des voleurs anciens boulangers, et gascons, ce qui est formidable. Mais écris-moi aussitôt cette lettre lue, dis-moi si tu peux recevoir ce mandat en sûreté, et je

    Laforgue. Il était arrivé à Paris un peu avant lui en 1875, avait suivi les cours de la Sorbonne, du Collège de France et du Muséum et avait été un moment préparateur de Claude Bernard et de Paul Bert. Cette année même il était devenu un des bibliothécaires de la Sorbonne et préludait à ces travaux sur l’esthétique picturale et musicale, sur la psychologie expérimentale, la physiologie des sensations qui ont donné depuis la mesure de son intelligence extraordinairement diverse et audacieuse.

  1. Pour un poème en prose, Tristesse de réverbère, publié dans la Vie Moderne du 3 septembre 1881.