Aller au contenu

Page:Laforgue - Œuvres complètes, t4, 1925.djvu/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
15
LETTRES 1881-1882

Ah ! raconte-moi des pages pleines de détails sur ses derniers jours, ses derniers moments. Que pensait-il de moi, le pauvre père ! N’a-t-il pas dit un mot pour moi, avant de mourir ? Vois-tu, je serai triste pour toute la vie, si papa n’a pas dit un mot bon pour moi avant de mourir. Raconte-moi tout en détail, je veux savoir. A-t-il conservé sa connaissance jusqu’au bout ? Qu’a-t-il dit ? sentait-il qu’il allait mourir ? Ne vous a-t-il pas tous recommandés à moi ?

Fini, fini, je ne le reverrai plus. Et rien, sinon se résigner, quelle vie !

Aujourd’hui, dimanche, à deux heures, j’étais chez la tante, je croyais leur annoncer la nouvelle et eux me croyaient à Tarbes. Ç’a été une journée de sanglots. J’y ai écrit à Charles. Je suis parti à six heures. Je t’ai envoyé ce télégramme si économique, sec, que tu as reçu sans doute, et qui m’a fait pleurer.

Puis j’ai erré par les rues pleines de foules. Je n’osais pas rentrer. À neuf heures, je rentre et je t’écris. Comme la vie est triste ! Je vous vois là-bas autour de la lampe.

Et pourtant il faut se faire à cette idée que nous n’avons plus de père, il faut l’envisager, en voir les conséquences.