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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t4, 1925.djvu/32

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ŒUVRES DE JULES LAFORGUE

Comment ai-je le courage de penser à autre chose qu’à ma douleur de fils, à la douleur de n’avoir pas revu papa et de ne pas savoir ce qu’il pensait de moi en s’en allant ?

N’a-t-il pas laissé des instructions, des papiers, des lettres, avec la recommandation de me les faire parvenir ? Est-il parti espérant en moi ?

Oh ? raconte-moi tout.

Oui, nous voilà onze orphelins[1].

Et moi qui me préparais à aller à Tarbes avant de partir pour l’Allemagne, vous apprendre que j’étais nommé, que je tenais mon avenir[2]. J’étais si heureux vendredi et samedi, et là-bas mon père était mort, maintenant je vois l’enterrement.

Et toi, pauvre Marie, si tu avais entendu chez ma tante — toutes les larmes étaient pour toi. — Tu es capable de tomber malade de chagrin, tu es si bonne, tu souffres pour tous. Et moi je te voyais, tu n’as probablement ni mangé, ni dormi de tous

  1. Émile, Jules, Marie, Madeleine, Charles, Pauline, Louise, Adrien, Charlotte, Édouard et Albert Laforgue.
  2. Sur la recommandation de M. Paul Bourget, avec qui il était entré en relations au début de 1881, et de Charles Ephrussi, Jules Laforgue venait d’être agréé comme lecteur français de l’impératrice Augusta, femme de Guillaume Ier. Il attendait d’un moment à l’autre des instructions pour son départ et se trouva ainsi dans l’impossibilité de se rendre à Tarbes à l’enterrement de son père. Il ne devait rejoindre son poste que huit jours plus tard.