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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/176

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ŒUVRES COMPLÈTES DE JULES LAFORGUE

des petits pains au sel, au cumin, aux grains de pavot qui stimulent la soif, et la boîte d’allumettes enchâssée dans une lourde gaine de métal. On ne demande guère de la brune ou de la blonde (ce qu’on traduit en allemand par de la claire et de la sombre), mais de la bière de Pilsen ou de la munichoise ou de la nurembergeoise.

Aux heures de loisir, surtout le soir, il est difficile de trouver une place. Toutes les tables sont pressées et garnies, l’atmosphère est faite de fumée. On boit, on fume, on cause ; des causeries coupées de longs silences digestifs. On ne voit pas une seule pipe, longue ou courte (légende pittoresque qui devrait prendre fin en France), à peine une cigarette, partout des cigares.

La bière est salonfähig et même hoffähig, c’est-à-dire n’est pas déplacée dans un salon, ni même à la cour. Cette dernière conquête est due, dit-on, à M. de Bismarck. En tout cas, les buffets de bals et la table de la cour n’en voient jamais. L’impératrice la méprise, ce qui fait que cette boisson a pour telle dame du palais de la souveraine la saveur du fruit défendu.