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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/29

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BERLIN. LA COUR ET LA VILLE

Il est trois heures, c’est l’heure de la sieste. Dans une demi-heure l’empereur et l’impératrice se mettront à table avec leurs invités. Dans ce séjour d’un mois que les deux souverains font au Babelsberg, pas un dîner qui n’ait quelque invité de marque.

Je n’ai vu d’autre figure humaine que quelques paysans et paysannes hâves et déguenillés balayant une allée. Mais voici venir, par l’allée qui longe le bord, une patrouille de six fantassins. Celui qui les conduit, et qui tient son fusil sous le bras, le canon vers la terre, me fait signe de me promener un peu plus au large.

Je vais me promener au large. Je croise un petit bateau à voile. Dedans, un brave Allemand en manches de chemise et sa femme ; le mari fait la manœuvre : dans le fond du bateau, un petit tonneau de bière. Je rentre à Potsdam. Une péniche chargée d’une montagne de fourrage passe lentement. Là-bas, sur la berge, des hussards rouges descendent faire baigner leurs chevaux. Un canal étroit, puis un bout de lac et des joncs, encore un canal avec quais et je suis en ville : les éperons retentissent seuls dans la solitude, sur ces vieux pavés. Le château et son parc sont à deux pas, j’y vais prendre le