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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/30

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ŒUVRES COMPLÈTES DE JULES LAFORGUE

frais. À l’église « de la garnison » quelque heure sonne et aussitôt le jeu de cloches chante l’air d’un vieux choral allemand qui dit :

Va toujours fidèle et probe
Jusqu’à ton tombeau froid,
Et ne t’écarte pas d’un pas
Du chemin du Seigneur.

Ce jeu de cloches chante ainsi toutes les demi-heures. Mince distraction. L’ennui qu’on respire ici est ineffable. Mais Berlin est à quarante minutes.

Je vais en voiture jusqu’au Neu-Babelsberg. On passe sous des frondaisons pendant la plus grande partie du chemin. Puis la route se borde de masures pauvres. On voit des gens aux cheveux blond filasse, surtout femmes et enfants, et dont le teint dit la nourriture principale, la pomme de terre. Involontairement je songe à ces villages, avoisinant Versailles, où Mme de Maintenon allait, en compagnie de sa favorite de Saint-Cyr, distribuer du pain, des vêtements, des aumônes.

Passent des voitures de la cour, de simples calèches, cochers et valets en noir avec aiguillettes et parements d’argent. Les cochers