Aller au contenu

Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
14
ŒUVRES COMPLÈTES DE JULES LAFORGUE

Un peu plus loin, toujours en voiture, l’illustre marquis de Tseng avec des Chinois de l’ambassade fumant des cigarettes et causant de leur air exotique et narquois. On parle de la politesse chinoise ; j’ai su le lendemain qu’à ce dîner, dès qu’on se fut levé de table, le marquis et ses Chinois s’apprêtèrent, sans autre cérémonie, à prendre la porte et que le grand chambellan, comte Perponcher, leur cria d’un bout à l’autre de la table : « Hé, messieurs ! vous n’avez pas dit bonjour à l’empereur. » Pour un Chinois, passe ; mais pour un marquis !

Je passe sur le pont de Glienicke jeté sur un étranglement de deux lacs entre Potsdam et le château toujours désert de feu le prince Frédéric-Charles. La voiture est obligée de s’arrêter, ainsi que nombre de piétons. L’arche centrale du pont s’ouvre et relève ses deux battants pour laisser passer un bateau chargé d’une montagne de fourrage. Cette montagne passée, les deux battants s’abaissent, mais les piétons continuent à stationner, et les passants s’ajoutent à eux. Mon cocher me fait signe d’attendre. En face de l’embarcadère (une planche) du château de Babelsberg, arrive un canot de luxe. Entre l’homme assis au gouvernail et