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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/76

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ŒUVRES COMPLÈTES DE JULES LAFORGUE

de Gœthe, élevée dans l’admiration du grand siècle français et qui, encore aujourd’hui, à soixante-quinze ans, repasse presque chaque matin son recueil de locutions élégantes françaises, la princesse obligea le sous-officier à suivre à ses côtés, trois fois par semaine, un cours de littérature qu’un professeur venait leur faire au palais ; elle l’obligea à meubler sa conversation, à réformer ses manières, à ménager ses poignées de main, etc.

Le sous-officier était né bon et docile, il fit ce qu’il put. Il s’était marié par raison d’État : on lui rendit vite la liberté, tout en gardant l’influence. L’empereur a toujours conservé pour l’impératrice le plus humble respect : l’impératrice est toujours demeurée pour lui un être à part, d’une autre race, dont les nerfs supérieurs ne souffrent pas la contrariété, dont il faut même respecter les goûts et les manières antigermaniques.

Ce n’est pas seulement à Paris, qui est loin, que la santé du souverain donne lieu à de fausses alertes. Chaque hiver, à Berlin, il arrive au moins une fois que soudain on assiège les magasins de deuil, sur un mot. L’empereur passe rarement une semaine sans s’évanouir de fai-