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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 1.djvu/47

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DE LA POÉSIE.

la poésie élégiaque et passionnée, la poésie du cœur ; les soldats et les moukres arabes, récitant des fragments belliqueux, amoureux et merveilleux d’Antar, la poésie épique et guerrière des peuples nomades ou conquérants ; les moines grecs, chantant les psaumes sur leurs terrasses solitaires, la poésie sacrée et lyrique des âges d’enthousiasme et de rénovation religieuse ; et moi, méditant sous ma tente, et recueillant des vérités historiques ou des pensées sur toute la terre, la poésie de philosophie et de méditation, fille d’une époque où l’humanité s’étudie et se résume elle-même jusque dans les chants dont elle amuse ses loisirs.

Voilà la poésie tout entière dans le passé ; mais dans l’avenir que sera-t-elle ?

Un autre jour, deux mois plus tard, j’avais traversé les sommets du Sannim, couverts de neiges éternelles, et j’étais redescendu du Liban, couronné de son diadème de cèdres, dans le désert nu et stérile d’Héliopolis. À la fin d’une journée de route pénible et longue, a l’horizon encore éloigné devant nous sur les derniers degrés des montagnes noires de l’Anti-Liban, un groupe immense de ruines jaunes, dorées par le soleil couchant, se détachaient de l’ombre des montagnes et répercutaient les rayons du soir. Nos guides nous les montraient du doigt, et criaient : Balbek ! Balbek !

C’était en effet la merveille du désert, la fabuleuse Balbek, qui sortait tout éclatante de son sépulcre inconnu, pour nous raconter des âges dont l’histoire a perdu la mémoire. Nous avancions lentement au pas de nos chevaux fatigués, les yeux attachés sur les murs gigantesques, sur les colonnes éblouissantes et colossales qui semblaient s’étendre, grandir, s’allonger à mesure que nous en approchions : un profond silence régnait dans toute notre cara-